Nous étions en stage de croisière, partis la veille dans la nuit de Granville à cinq sur un Ghibli "Néarque", (
Le courant
s’inversant vers l’est en fin d’après midi, nous avons quitté le bassin de St
Hélier, à la godille et à la voile, vers 15 à 16 h. Les bateaux n’ayant pas de
moteur hors-bord. La météo était celle d’un temps habituel de Manche à cette
époque de l’année. Ni mauvais, ni froid mais gris et bouché. Le vent est
modéré, force 4 d’ouest.
Nous laissons
la Demie de Pas
derrière nous et filons bon train sous grand voile à 1 ris et foc 1, cap au Sud
vers les Minquiers.
En
novembre, la nuit tombe vite. Peu de souvenirs me reviennent en mémoire de ces
15 milles vers l’ouest de Chausey. Sans doute, une certaine anxiété, puis la satisfaction
de découvrir les feux successifs des Caux puis de Chausey et des Ardentes. Sans
doute aussi, le plaisir maintenant inconnu de tracer un semblant de point par
relèvement sur une table à carte éclairée, tant bien que mal, par le faisceau
d’une lampe torche.
En effet,
la route imposée passe par l’ouest de Chausey. Et aucun feu ni bouée ne balise
les rochers acérés des Rondes de l’Ouest et de La Déchirée.
Pas facile
donc, de se situer. Par exemple, pour le danger isolé de la Cancalaise , situé deux
mille dans le sud-est, il suffisait de le parer en relevant le phare de Chausey.
Encore fallait-il que le relèvement soit correct sur le compas de relèvement « Mini-Morin »
un tantinet baladeur sur un voilier barré par un stagiaire qui en était le plus
souvent à sa première expérience
maritime.
Ce dernier
danger paré, il fallait encore arrondir les trois balises Ouest non éclairées
du Marteau sous le phare de Chausey avant de remonter le Sound au louvoyage
contre le courant et de mouiller dans la nuit noire.
Aujourd’hui,
un coup d’œil sur Maxsea, et quelques modifications de cap sur le pilote, bien
abrité sous une capote, auraient permis une navigation sans soucis, navigation pourtant
source de la satisfaction d’avoir déjoué tous les pièges.
Comme
chaque week-end, nous étions partis la veille de Granville vers minuit. Les
stagiaires arrivant de Paris par le dernier train de 23 h 15.
Immédiatement
embarqués, nous partions au plus vite avant la fermeture des portes du bassin à
flot (ouvertes deux heures par marée) et la première manœuvre consistait, les
connaisseurs apprécieront, à tirer trois bords dans le sas de l’écluse !
Les « chiens
jaunes » étaient dans le bain. Porté par le courant, il s’en suivait
généralement un bord de 5 à 6h vers le
banc Violet et St Hélier ou nous arrivions à l’aube.
J’avoue
qu’en écrivant ces lignes, j’ai un peu de mal à imaginer que des jeunes et des
moins jeunes payaient pour se retrouver à 5 dans un bateau à 4 couchettes avec
un chef de bord plus jeune qu’eux. J’oubliais, j’avais 19 ans.
Pourtant, cette formation ne devait pas être
si mauvaise, puisque sur 5 voiliers écumant sans moteur les Anglo-normande et
l’Angleterre de 1967 à 1977, 40 week-end
ou semaines par an, je ne me souviens pas d’échouement ou de problèmes sérieux.
C’était une
autre époque et pour plagier Ch.Aznavour, je dirais » un temps que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître ».
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