mardi 31 janvier 2017

ERIC TABARLY

Il est habituel de railler le mutisme et la discrétion d'Eric Tabarly. Mon ami André Gentil, dans son livre "La mare aux gobies" relate, comme tant d'autres, sa première et seule conversation avec lui: "Il y a eu un long silence suivi d'une écoute polie, l'espoir d'un dialogue, de quelques paroles échangées sur sa victoire éclatante entre Le Cap et Rio... Impassible, Eric Tabarly écoute."








Pourtant, lors de l'une des rares fois où je l'ai côtoyé, j'ai vu de lui un tout autre visage.
Lors d'une escale à Jersey sur Pen Duick VI en compagnie de Pen Duick III que j'avais le privilège de skipper, en fin d'après-midi, les deux équipages se rendent à pied au Yacht-Club en contournant les deux bassins. En passant devant l'hôtel "La Pomme d'Or", Kufra's trading, les vieux hangars jaunes vifs de "Norman" puis les deux shipchandlers, cela représente un bon kilomètre.
Les 15 équipiers devisent par petits groupes, Eric marche en compagnie de son ancien équipier lors de la Whitbread de 1973, Arnaud, alors en charge du Club Croisière Pen Duick à St Malo.





En montant l'escalier qui mène au bar du Yacht-Club, comme je le fais à chaque fois depuis des années, sur le palier,  j'admire presque religieusement la photo de Westward. Quelqu'un s'arrête à coté de moi pour la même raison.  Il s'agit d'Eric Tabarly.



Connaissant son intérêt pour les voiliers classiques, j'ose entamer alors la conversation sur des considérations techniques, en particulier sur l'échouage quotidien de cette goélette de 41 m au fond du bassin d'échouage lors des hivernages dans les années 30. Surement aussi, nous regrettons qu'à la mort de son propriétaire jersiais, H.Davis, elle ait été coulée aux Casquets le 14 juillet 1947 afin de respecter ses dernières volontés.
Au bar, nous rejoignons le groupe déjà attablé devant quelques pintes de Guiness et continuons notre conversation. Je me souviens qu'il me parle de Moonbeam III, propriété de F.Amiot, quasiment à l'abandon depuis des années au long d'un quai du bassin à flot de Cherbourg.
Sûrement aussi, j'ai osé lui faire part de mon admiration quand,  alors que, âgé d'à peine 12 ans en 1964, je dévorais son livre, "Victoire en solitaire" puis, durant les années suivante, je lisais assidument les récits de course de Pen Duick II puis toutes les victoires de Pen Duick III en 1967 dans la revue "Bateaux": Channel race, Fastnet, Sydney Hobart ...
En tout cas, notre conversation est sans temps mort, agréable, aux antipodes de l'image que j'en avais. 

A juste titre, il voyait sûrement en moi un passionné qui avait quelques connaissances. Le fait que je patronne Pen Duick III sans moteur, à la voile seule, a sans doute aussi contribué à ce qu'il me voit comme un marin, pas comme un simple admirateur parisien.
Il m'apprend aussi que la dernière fois qu'il était en escale à St Hélier, c'était dans les années 60 avec Pen Duick II et ses équipiers granvillais : G.Petitpas, Lavat...


Puis, sur le retour, alors que les équipages allaient "faire un tour" in town center, pour acheter, qui des "Dunhill" ou des "Marlboro", qui du "Auchentochan" ou de l' "Aberlour" avant que "Voisin's", "Beghin's" ou "Mark's and Spencer "ne ferment; Eric, lui, est parti seul marcher jusqu'à l'extrémité de la grande jetée, en passant par la plage, et après avoir contourné le fort Elisabeth. Un lieu où personne ne se rend jamais.










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