mardi 31 janvier 2017

la cape courante, cape seche, fuite, ancre flottante




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 CAPE COURANTE :

Sur un SWAN 38 dans le golfe de Gascogne avec une mer croisée et 40/45 nœuds de vent :
« Une fois descendu dans les profondeurs du  carré nous oublions facilement la mer démontée et les 40 à 43 nœuds qui soufflent à l’extérieur…

Les changements de quart sont, comme le reste, d’une extrême rigueur. Cela donne :   « mon jeune ami, dans 12 secondes cela va être votre tour… « 

Amarinés comme nous le sommes, c’est à peine si nous nous rendons compte que nous sommes sur un voilier qui subit un coup de vent. C’est la première fois que je prends la cape et en suis surpris. Des années après, c’est  le principal souvenir qui me restera. »

« Pour remettre en route, c’est simple, il suffit de choquer l’écoute au vent et de border celle sous le vent. Par contre le barreur est obligatoire et n’est pas à la fête… Nous faisons route au largue à 8 nds, travers au vent et aux vagues du vent ; immédiatement je me rends compte que c’est une conn...

A la barre, il est dur de maintenir le SWAN 38 sur son cap à cause de la houle résiduelle de trois quart arrière qui est contrariée par la mer du vent. A la barre, je prends fréquemment des  paquets de mer qui brisent sur la coque au vent.

Après une dizaine de minutes, les » chefs » décident que le vent à forcit et nous reprenons la cape bâbord amure vers le large. Nous reprenons notre routine. Lecture, apéritif, déjeuner, café, dormir, quart… »

La FUITE :

14    août 1979 : « OSSIAN », half-tonner Hustler 32 avant de sancir et d’être roulé lors du Fastnet. 
Patrice Ratzel raconte avant d’être roulé et démâté:  
« Très rapidement, nous ferlons la grand-voile et mettons en fuite seulement sous foc n°3.  Grand largue, nous partons sur chaque vague à des vitesses de 14 à 17 noeuds et, en conséquence, décidons de réduire encore la toile, bien que le bateau reste tout à fait contrôlable.

Vers une heure du matin, François M… et Gilles L sont de quart. Est-il besoin de préciser que barrer dans de telles conditions, dans la nuit, avec 50/55 nds de vent, des vagues invisibles dont nous saurons par la suite qu’elles atteignaient 10 à 12 m, n’est pas à la portée du premier venu.

Mais à peine une demi-heure après avoir envoyé le tourmentin, une vague particulièrement forte soulève notre tableau volumineux, l’étrave s’enfonce et le voilier devenu incontrôlable part au lof juste devant la crête de la déferlante.

Avant que le bateau ne se redresse, il s’est écoulé un temps qui nous parait d’une longueur infinie mais qui n’a pas du dépasser une minute. Nous sommes les uns sur les autres. Par toutes les rares ouvertures, par la descente entre ouverte, l’eau se précipite. »

« OSSIAN » démâté, se mettra ensuite en cape sèche.

La 



CAPE SECHE :
Toujours sur « OSSIAN », half-tonner Hustler 32 après avoir été roulé par une déferlante :
« Constatant que nous n’avions  pas de voie d’eau, j’ai décidé d’attendre que cela se passe, enfermés à l’intérieur. La barre est amarrée et le voilier démâté file vers le sud-est à 4/5 nds, bousculé régulièrement par des vagues de direction différentes.

 Nous avons passé le reste de la nuit en cape sèche, barre amarrée. Le bateau libéré de son gréement, se comportait sainement en bouchonnant. »



La FUITE : 
Sur « KARIBARIO », half-tonner Hustler 32 de Stephens Jones lors de la même nuit à quelques dizaines de milles de OSSIAN.

Son propriétaire, Jan Legallet raconte  « L’anémomètre reste fréquemment en butée plusieurs minutes à 50 nœuds. La mer se creuse et je guide Jean-René en lui indiquant ce qu’il doit faire pour négocier chaque vague car il est impossible à ce moment de regarder derrière et de barrer en même temps. Nous les prenons, si possible, de trois quart arrière bâbord amure.

Deux ou trois déferlantes remplissent le cockpit, finissant de nous tremper et de remplir nos bottes. La première, particulièrement forte, casse l’arceau en alu qui fait office de balcon arrière et sur lequel sont tendues les filières. Ces déferlantes nous emmènent dans des surfs un peu fous et angoissants dans la nuit.

A 4h45, alors que le lever du jour commence enfin à se lever, une vague plus abrupte et plus haute que les autres nous emmène dans un surf terrible à environ 15 nœuds. Nous la prenons bien en ligne, sans problème apparent ; mais lorsque nous arrivons dans le bas de la pente, nous enfournons dans le creux et nous voyons avec stupeur l’avant du bateau disparaître et l’eau venir jusqu’à nous. 

Nous avons sanci, mais le bateau, au lieu de faire la culbute complète, est retombé, a gité à 80° sur tribord et nous a expédié, Eliane et moi, à l’eau alors que Jean-René se tenait à plein bras à la bastaque.

Il est maintenant évident qu’il faut changer quelque chose à notre allure »

KARIBARIO prendra ensuite la fuite avec des trainards.





La FUITE avec des traînards:

14 août 1979 - Nicholson 30 « GRIMALKIN ». Selon Nick Ward (le survivant resté à bord) «Les yeux écarquillés, nous tentions de déchiffrer sur les lèvres de nos compagnons leurs avertissements pour mener Grimalkin à travers, au-dessus, dedans et quelquefois sous les murailles d’eau. En plus des embruns et des paquets de mer emportés par le vent, le sillage de Grimalkin créait sa propre vague, d’énormes jets d’eau qui jaillissaient sur les côtés, souvent plus haut que nous, lorsqu’il accélérait.

 Et, pour rendre encore un peu plus précaire notre situation, les traînards n’avaient pas eu l’effet escompté. Certes, ils nous ralentissaient, on pouvait apercevoir des embruns phosphorescents qui volaient lorsque la crête des vagues brisaient autour d’eux, mais les déferlantes qui suivaient continuaient à nous submerger. La tactique de fuite n’était donc pas adaptée à de tels ouragans, mais comment aurions-nous pu le savoir ?»

NDLR : Comme il précise : » on pouvait apercevoir des embruns phosphorescents qui volaient lorsque la crête des vagues brisaient autour d’eux, »  Il est probable que les traînards de ce Nicholson n’étaient pas lestés ce qui les rendaient évidemment inefficaces contrairement à l’exemple suivant lors de la même nuit.

Jan Legallet sur KARIBARIO - Hustler 32-
« JR et Luc  nous font passer l’ancre  Brittany 8 kg puis l’aussière et nous filons le tout de façon que l’ancre soit tirée également par les deux bouts.

Le bateau devient plus stable sur sa route et nous marchons à 5 nœuds de moyenne. Nous surfons encore, mais nous nous arrêtons avant le bas de la vague. Le bon comportement du bateau et la vitesse excessive lors des surfs nous poussent à augmenter les trainards.

Nous demandons alors la grosse ancre, une Brittany de 12 kg, et Olivier l’installe sur les deux aussières d’amarrage tournées sur les mêmes taquets.

Nous ralentissons à 3.7 nœuds de moyenne et prenons beaucoup mieux les vagues. Les déferlantes ne sont pas plus dangereuses qu’elles l’étaient, ce que je craignais au début. « 

Le jour s’est levé et je suis ahuri par l’énormité de la mer. Je ne pensais pas que cela pouvait exister à ce point là ! J’ai vraiment peur maintenant et je commence à me demander si nous allons nous en sortir entier. »

Quelques heures plus tard :
« Vers 10h30…le bateau démarre sur ce gigantesque coup de pied dans les fesses et accuse, en surfant, un énorme coup de gite à bâbord….J’entends Jean-René m’appeler, me disant : »viens vite, ta femme est au jus ! »… Eliane est retenue par son harnais et se cramponne aux trainards. A deux nous tirons Eliane le long du tableau inversé pendant que Olivier tente de remettre le bateau en ligne…

Jean-René a vu arriver cette énorme vague déferlante en disant à Olivier de se cramponner très fort. . Ce dernier n’a pas saisi toute la crainte de cet avertissement et a été projeté à l’eau mais  a pu remonter seul presque immédiatement sur une embardée qui a mis l’angle du tableau arrière au niveau de l’eau devant lui !....

L’ambiance de relative sécurité créée par le comportement du bateau avec ses trainards, les quelques heures sans casse, l’avion qui vient de disparaître et la peur est revenue, aggravée par la fatigue… Bien qu’épuisé, je ne peux dormir car le bateau roule beaucoup….Sur deux déferlantes, je me précipite dehors pour voir si tout le monde est là… »

Il est important de noter que l’équipage de KARIBARIO est convaincu que, en fuite sans leurs traînards, leur voilier aurait une nouvelle fois nouveau sanci ou chaviré.

J’ai aussi retenu que Mike Birch, dans des articles des années 1970 expliquait que dans la tempête, il utilisait des traînards sur son trimaran Olympia pour éviter de sancir. Il est à noter que M.Birch est l’un des rares skippers à ne pas avoir chaviré sur un trimaran sur plans de D.Newick ou W.Greene…

Peter Blake à aussi utilisé des traînards lors des dernières 24 h de son record autour du monde du Trophée Jules Verne sur son maxi-catamaran ENZA en arrivant à Ouessant en 1984. 


ANCRE FLOTTANTE :

Jamais je ne l’utiliserais.
D’après ce que j’ai lu depuis des années, il semble qu’un bateau de plaisance retenu par à coups par une ancre flottante puisse embarder et se retrouver en travers au moment ou arrive une déferlante.


Je connais aussi au moins le cas de deux Catana qui ont chaviré par l’arrière alors qu’ils étaient sur ancre flottante.

Des dizaines de cas réels sur :  dragdevicedb.com


4  COURS DE NAVIGATION DES GLENANS 1972  page 388


"La fuite retardée: mouiller une ancre flottante par l'arrière est probablement dangereux: le bateau est trop retenu. L'arrière ne soulage pas convenablement à la lame.

Il est préférable de traîner des grosses aussières, que l'on file soit en long, soit en boucle. Si on peut les lester, elles travaillent en profondeur et leur action est plus régulière.

Ce procéder a des avantages certains....
Pour éviter le vent arrière, les traînards peuvent être amarrés un peu sur le coté, etc. Encore une fois, il n'y a pas de règles absolues, il faut tatonner, juger du résultat...


L'amarrage des traînards les plus puissants doit être prolongé jusqu'à l'avant du bateau par un filin passant à l'extérieur des haubans et tourné sur la bitte. En effet, pour les récupérer le moment venu, il est nécessaire de pouvoir faire tête sur eux: les remonter par l'arrière est à peu près impossible tant que le vent demeure frais."



A LA CAPE DANS LE GOLFE DE GASCOGNE EN SWAN 38















« En octobre 1975, sur le Swan 38 DELNIC, premier voilier de L.Rousselin, jeune navigateur débutant de 65 ans, dont la bible était la prose du Cdt de Kerviler, au large de La Corogne,  nous avons subit un coup de vent de sud qui nous a obligé à mettre à la cape durant 60 heures ! Durant ces trois longues journées et nuits, les changements de quarts s’effectuaient à la seconde près.

Parti quelques jours auparavant de St Malo, notre estime nous situait à hauteur du Cap Ortegal, que nous pensions avoir aperçu sur notre bâbord dans l’après-midi alors que nous faisions route au moteur dans la pétôle. Le baromêtre baisse depuis le matin. Dans la soirée, le vent est revenu de sud et nous avons renvoyé le génois (les enrouleurs n’existaient pas) et avons repris notre route au près bâbord amure.

 Le capitaine et son second, un bistrotier de St Malo qui a plus navigué au Bar de l’Univers qu’au large, à juste titre fatigués par nos cinq nuits de navigation précédentes, décident de mettre à la cape vers minuit alors que le vent n’est que de 25 à 30 nds et que, sous toilé,  sous foc 1, notre Stephens marche à 6 nœuds confortablement, en douceur, dans la mer pas encore formée. Compte tenu des nuages que l’on avait dans la soirée, il est évident qu’une dépression arrive.

Avec le recul, sans doute aurions nous du dérouter au largue, vers La Corogne à environ 60 milles dans l’est, mais notre objectif était Madère. Gardons à l’esprit aussi, que notre dernière position connue était le phare d’Ar Men à 300 milles dans le nord.

Mes deux compagnons  se sont couchés et nous avons continué notre roulement de quart de 4 heures ; trop longs à mon goût. De ce temps, il n’existait pas de capotes et l’exigence du service faisait que nous devions impérativement être de quart dans le cockpit, il était mal vu descendre se faire une chauffer une soupe. Il est vrai que nous nous situions à proximité du rail des cargos.

Au cours de la nuit, le vent monte, la mer se forme. A l’aube, les « vieux » réveillent le jeune de l’équipage, moi en l’occurrence, pour changer de foc. Dur, dur de sortir d’une couchette confortable dans une cabine douillette et plutôt silencieuse. Le plus pénible est d’enfiler le pantalon de ciré Equinoxe.

Dès la sortie de la descente (7 ou 8 marches, c’est le gros défaut du SWAN à mes yeux)  on prend conscience des réalités. L’aiguille de l’anémomêtre oscille entre 38 et 40 noeuds. Ils ont malheureusement raison, il va falloir affaler ce « foutu » foc et renvoyer le tourmentin

Récupérer le foc rétif, le ferler, sortir le tourmentin par le capot avant, l’endrailler, rentrer le foc en vrac dans le poste, faire les nœuds de chaise des écoutes, se battre avec le tourmentin, mouliner sur la drisse du pied de mat alors que ces conn... de l’arrière crient je ne sais quoi et tardent à border… Du classique.

On en  profite pour changer d’amure, et sommes maintenant tribord amure vers l’est. « On » est content de retourner se coucher…

A midi pile, c’est l’heure de notre traditionnel apéritif avant que notre restaurateur malouin nous mitonne un plat. Je soupçonne d’ailleurs Louis Rousselin de l’avoir embarqué pour cette unique qualité…

Aujourd’hui, la qualité baisse mais nous déjeunons tout de même de pâtes au gruyère, dans un bol, mais à table, assis sous le vent. Nous gardons notre rythme, le bateau est impeccablement rangé, les cirés à leur place…

Nous avons chacun notre verre personnel numéroté et il est hors de question de laisser trainer un ciré ou un livre. Une fois descendu dans les profondeurs du  carré nous oublions facilement la mer démontée et les 40 à 43 nœuds qui soufflent à l’extérieur…

Les changements de quart sont, comme le reste, d’une extrême rigueur. Cela donne :   « mon jeune ami, dans 12 secondes cela va être votre tour… « 

Amarinés comme nous le sommes, c’est à peine si nous nous rendons compte que nous sommes sur un voilier dans un coup de vent. C’est la première fois que je prends la cape et en suis surpris. C’est d’ailleurs le principal souvenir qui m’en restera.

De temps à autre, nous montons quelques marches de la descente pour vérifier la réalité. On a toujours l’impression que cela mollit ! Curieusement l’homme de quart nous dément toujours, et nous contrarie plutôt. « Cela va ? « ça » a mollit, on dirait ? Bof, c’est plutôt 40/42 depuis une heure… »

Les heures s’égrènent. Un peu de lecture, un café, dormir, une soupe…

Ce qui est gênant c’est qu’au cours de la journée, la mer créée par le vent de sud s’est formée et contrarie la houle résiduelle d’ouest que nous avions.

La deuxième nuit s’écoule au rythme de nos quarts. Au matin, alors que je finis mon quart, le cuisinier émergeant sa tête dans la descente décide que cela a mollit. Pour ma part, je vois toujours l’aiguille de l’anémomêtre osciller entre 40 et 45 noeuds. Le vent est toujours de secteur sud.

 Il convainc le capitaine de remettre en route ver la Corogne dans l’est.

Pour remettre en route, c’est simple, il suffit de choquer l’écoute au vent et de border celle sous le vent. Par contre le barreur est obligatoire et n’est pas à la fête… Nous faisons route au largue à 8 noeuds, travers au vent et aux vagues du vent mais avec la houle sur la hanche. Immédiatement , le barreur que je suis se rend compte que c’est une conn… et eux aussi.

Mais il est difficile de l’avouer !  Aussi, nous faisons route. A la barre, il est dur de maintenir le SWAN 38 sur son cap à cause de la houle résiduelle de trois quart arrière qui est contrariée par la mer du vent. A la barre, je prends fréquemment des  paquets de mer qui brisent sur la coque au vent mais le plus gênant pour moi qui ne suit  pourtant pas très grand, c’est le pataras qui heurte ma tête à chaque mouvement de tangage ! Cela ne se voit pas au salon nautique !

Après une dizaine de minutes, les » chefs » décident que le vent à forcit et nous reprenons la cape bâbord amure vers le large. Nous reprenons notre routine. Lecture, apéritif, déjeuner, café, dormir, quart…auxquels s’ajoutent des discussions dont le sujet principal est l’évolution de la météo.

Une troisième nuit commence. La mer est dure, croisée. Dans la nuit lors de mon quart, je croise un cargo en route vers le nord. Je réveille le « capitaine » pour l’informer que nous sommes sur la route des cargos, que le vent à mollit à 35 noeuds et qu’il faudrait mieux revirer vers l’est. Il me remercie et se rendort…  préférant attendre l’heure de son changement de quart !

Quand je me réveille dans la matinée, le bateau ballotte, moins appuyé par le vent. Le vent est en train de mollir sérieusement et, toujours à la cape, nous roulons dans une mer croisée. Cette fois, mes « collègues » ont eu la délicatesse d’attendre que je me réveille pour que je renvoie de la toile. Nous passons directement au génois 3 et renvoyons la grand voile entière ; c’est dire si le vent à baissé.

Il a aussi tourné vers l’ouest. Aussi, nous prenons un cap vers le sud-est afin d’aller reconnaître les côtes de Galice qui doivent se situer à quelques dizaines de milles.

Très vite, le vent tombe et nous oblige à faire route au moteur dans une mer formée très désagréable.  Le soleil revient, il fait chaud, la côte apparaît dans  l’après midi et à 21 h, nous sommes attablés devant une paëlla dans un restaurant du Ria de Corcubion au sud du cap Finistere… »











QUELLES LECONS TIRER DE CETTE EXPERIENCE ?

En préambule,  nous étions en 1975, ne disposions ni d’enrouleur, ni de pilote, ni de capote, ni de canot de survie, ni de VHF et notre dernière position connue était le phare d’Armen, trois jours auparavant, à 300 milles plus au nord.

Par ailleurs, l’état d’esprit de l’époque était différent. Nous partions de St Malo et nous rendions aux Canaries avec une escale à Madère. Nous savions que rencontrer du gros temps était probable et que le bateau pouvait l’encaisser sans broncher. Nous savions aussi que nous devions compter que sur nous même.

J’AI RETENU DE CETTE EXPERIENCE :

1 Le calme, la préparation, le rangement, le respect des horaires et des habitudes, sont importants.

2 Si nous étions en 2010, nous aurions connu la météo et anticipé en conséquence.
 Le GPS nous aurait donné notre position et nous aurions sans doute choisi de nous dérouter vers La Corogne avant que la dépression n’arrive, y compris en rentrant de nuit dans ce port inconnu grâce au traceur. (Ce qui pouvait être une erreur. En mer, le danger, c’est la côte)

3 Le SWAN 38 était un voilier de luxe pour l’époque. D’un déplacement semi-lourd avec un comportement à la mer remarquable, jamais il n’a tapé. A l’intérieur, il y avait un silence relatif, des mains courantes bien positionnées, des couchettes parfaitement calées.

4 Certains d’entre vous me jugent surement extrêmes dans mes positions par rapport à des voiliers actuels. Il s’avère que j’ai vécu par la suite une expérience du même type sur un OCEANIS 44, dans les mêmes parages, avec peu de mer et des vents ne dépassant pas 27 nœuds. Et la différence est énorme.

 CE QUE JE N’AI PAS RETENU :
1 Les quarts de 4 heures.
2 Les changements de quarts à la seconde…
3 De ne pas lire quand l’on est de quart par beau temps.
4 Le vouvoiement des équipiers. 

Cela dit, 20 ans plus tard, à 85 ans et plus, Monsieur Rousselin était toujours présent sur son SWAN en régate à La Trinité.














L’EDHEC 1974







« La deuxième course envoie tout le monde virer Belle-Ile : 106 milles, par une météo qui annonce une » petite dépression sur la Vendée. Peu après le départ, la brise monte les échelons Beaufort deux à deux. Les tragédiens parleront d’un force 10, les scientifiques parleront d’un force 10, les pragmatiques se souviendront d’un vigoureux 8. Bref, sur 107 partants, 14 finissent la course. ROMANEE, fort de sa robustesse, gagne cette épreuve vigoureuse. » » J-M. Barrault – Voiles &Voiliers de mai 1974

«  Pour la grande course de 106 milles, nos futurs administrateurs d’entreprise connurent un coup de vent soudain et peu prévisible. Force 10, dirent certains, les plus raisonnables annoncèrent force 8 avec rafales à 9. Résultat, sur 110 bateaux, 19 franchissaient la ligne d’arrivée. »    Neptune Nautisme  de mai 1974

Au printemps 1974, je courais à Lorient et la Trinité sur un Flush Poker : « Viking ». A l’époque, c’était un voilier de pointe, les « gros » voiliers étaient les classe V : Arpège, Super Arlequin, Impensable… Il y avait aussi deux ou trois « très gros » : Chance 37,  Contessa 35, Dufour 35, Subversion, Centurion, …

Fort de nos bons résultats, nous prenions le départ de la course de l’Edhec au départ de Pornic avec des ambitions. Notre équipage de lycéens teigneux étant la base de notre équipage habituel lors des entraînements d’hiver de La Trinité.

Au départ de la grande course de 106 milles, la météo était médiocre puisqu’une dépression sévissait sur la Bretagne. Partir pour un long bord de louvoyage vers Belle-Ile dans la pluie par force 6 à 7 n’est jamais très enthousiasmant.

Pourtant, vers 10 h du matin, 107 voiliers ont pris le départ. Au cours de la matinée, sous foc inter, nous tirons des bords vers Hoëdic. L’équipage reste stoïque au rappel. Avec la fougue de nos 20 ans, nous sommes persuadés que « c’est notre temps » et que « nous allons faire un truc ». D‘ailleurs au fil des croisements dans la boucaille, il se confirme que notre Flush « marche ». Nous croisons plutôt des Folie Douce, des Arpège que des voiliers de notre taille. Cela entretien le moral.

Dans l’après-midi, le vent forcit encore, jusqu’à force 7 probablement. Nous passons sous foc 1 avec 2 ris. Heureusement, relativement abrités par Belle-Ile dans notre ouest, la mer n’est pas trop mauvaise.

A la nuit tombée, nous apercevons les feux du Palais devant nous et envoyons le foc 2. Je commence à me demander s’il ne serait pas plus raisonnable de s’abriter pour la nuit car cela souffle fort et ne sommes que deux barreurs efficaces.

Soudain, dans la nuit, nous croisons de près la Scoumoune », un « Ecume de mer "Petite-fleur », le gagnant des entraînements d’hiver de Lorient qui, normalement, est plus rapide que nous et court pour gagner. Notre moral remonte d’un coup. Nous évacuons vite l’idée de prendre la première à gauche… Les dés sont jetés, nous continuons donc vers la pointe des Poulains, la pointe ouest de Belle-Ile. Les copains restent, stoïques, au rappel dans leurs cirés jaune, Equinoxe ou Cotten.

Abrités sous le vent de l’île proche, Claude nous mitonne une purée et une soupe bienvenues. Après avoir été pointé par un dragueur de la Marine, nous doublons la pointe des Poulains vers deux heures du matin et, abattant au largue, retrouvons les creux de 3 à 4 m  formés par la houle du large. Nous apercevons les brisants sur les falaises à 2 ou 300 m sous le vent, sur bâbord. Ce n’est pas le moment de démâter !

C’est un soulagement de débouler à 6.5 noeuds, d’être sur la route du retour. Psychologiquement, nous sommes quasiment arrivés alors que nous n’en sommes qu’à mi-parcours.

Pourtant, après une heure ou deux, le vent adonne au point que nous passons grand largue puis devons empanner bâbord amure. Le vent est maintenant nord-ouest, il a brutalement fraîchi. Dans les grains de neige, la visibilité est nulle et le vent atteint sans doute 50 nœuds, voire plus. Nous pensons tous aux récits de Grand Louis, Pen Duick VI, Kriter au Cap Horn ; eux qui, à ce moment même, terminent la première Course autour du monde à la voile : la Whitbread

Bien que frigorifiés, nous sommes à l’aise et, finalement, je ne regrette pas d’avoir gardé le foc 2. Chacun son tour, la couchette au vent voit se succéder les équipiers pour une heure ou deux.

Dans la matinée, entre deux grains, la visibilité devient bonne et le vent mollit mais nous n’avons pas le courage de renvoyer un foc plus grand. Nous ne sommes plus réellement en course, et nous contentons de larguer un ris, ce qui ne nous empêche pas de filer bon train. Devant, nous à l’horizon, nous apercevons une seule voile, derrière nous aucune.

En fin de matinée, nous franchissons la ligne d’arrivée devant Pornic. De nombreux concurrents sont déjà amarrés aux pontons. C’est alors que nous apprenons que sur 107 bateaux au départ, la majorité ont abandonnés et seulement 14 ont terminés ! Déception pour nous, même si nous sommes bien placés dans notre classe, c’est un Folie-Douce qui gagne en temps compensé.



Ce sera le début d’une polémique dans la presse nautique, s’interrogeant sur l’opportunité de lancer des équipages d’étudiants par de telles conditions. « Cette rencontre nautique des grandes écoles européennes mérite donc de se développer mais avec quelques précautions et avec une sélection plus sérieuse des équipages… »  
Jean Michel Barrault   Neptune Nautisme  de mai 1974




THEOREMES D'UN DEBUTANT

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« A force de contempler la mer,
on fini par la prendre »

Il n'est pas de vent favorable
pour qui ne connaît pas son port.
Sénèque

En mer, le plus grand danger, c'est la terre.

Petite pluie abat grand vent.

Suroit le doux, noroit le fou.

Plus l'amer est haut, plus la mer est basse.

Si tu veux beau temps, navigue souvent.

Qui pisse au vent, mouille son caban.

Une mer calme n'a jamais fait un bon marin.
Méfie toi d'une poulie qui crie et d'une femme qui se tait. Toutes deux préparent un mauvais coup.
Almanach du marin Breton

Celui qui attend que tout danger soit écarté pour mettre les voiles, ne prendra jamais la mer.
Thomas Fuller

Naviguer est une activité qui ne convient pas aux imposteurs. En bateau, on sait ou on ne sait pas.
Eric Tabarly



Daniel Bonnefoy 2008






 « La navigation, c’est simple, il suffit d’anticiper »

La navigation consiste à effectuer des élucubrations réalistes à partir d'observations des plus subjectives, très partisanes et impérativement orientées, dont la perspicacité ne peut être démontrée qu'à postériori à la suite d'un enchainement de circonstances sans rapport avec la situation d'origine qui a permis de les établir.

Naviguer, c'est être très précis dans l'enchaînement aléatoire des approximations successives qui constitue l'aventure de la navigation.

Naviguer, c'est sans cesse se remettre en question.

Naviguer, c'est brosser dans le sens du poil, voire le nez au vent, le regard perdu vers le large ; la mer, les vagues, la houle, les courants, les marées, le ciel, les nuages, la côte, les fonds, le sable et les cailloux, le soleil, la lune, les étoiles, le froid, l'humide, le chaud, l'eau, l'air, son bateau et celui des autres, l'équipage, le cuisinier, le cambusier.

Naviguer, c'est tout prévoir même l'imprévu!  Y compris l'heure d'arrivée au port et l'accostage en évitant de justesse la catastrophe. C’est ce qui vous permettra de réaliser LA belle manœuvre.





« PUISQU'ON NE PEUT CHANGER LA DIRECTION DU VENT, IL FAUT APPRENDRE A ORIENTER LES VOILES »

Ne jamais décider à l’avance de son lieu de destination. La météo en décide et notre « jeu » consiste à l’anticiper.

Par exemple, sur une navigation de 3 jours à partir de St Quay-Portrieux, si le vent doit passer sud le 3ième jour, il n’est pas question de « monter « à Guernesey. S’il doit tourner sud-ouest, évitez Jersey et privilégiez St Malo.

Deuxième exemple : Alors que le mois d’aout s’annonce incertain, et cela arrive parfois, pourquoi décider que l’on part en croisière en Espagne alors que le vent oscille entre l’ouest et le sud-ouest. En Irlande, il fait moins chaud, mais on est presque sur de revenir sans faire de près. Notez toutefois le presque.


Daniel Bonnefoy 2008





« deux fois la route
trois fois le temps,
 quatre fois la peine»

Même avec un excellent voilier, fuir le près. On en fera toujours assez. Gardons à l’esprit l’adage « deux fois la route, quatre fois la peine ». C’est aussi le meilleur moyen d’éviter que madame reste à la maison.



HISTOIRE COQUINE : 

"Le vin fait du bien aux hommes quand ce sont les femmes qui le boivent"


" LE VIN FAIT DU BIEN AUX HOMMES
QUAND CE SONT LES FEMMES QUI LE BOIVENT "





Durant le courant du mois d'août 1974, à la fin de notre saison du R.O.R.C. courue sur le BES "Radial", lors d'une escale à La Trinité, nous avions "sympathisé" avec les équipières de la seconde course féminine du GAN.

Leurs voiliers: Impensable, Super Arlequin, Tarentelle, Armagnac... étaient des Classe V, tout comme notre half-tonner. Aussi, nous avons couru la première étape de La Trinité à Sauzon en parallèle.





Un dîner était prévu à terre ou nous avons été invités par toutes nos nouvelles amies. Pensez donc, 5 hommes pour 80 femmes!
Soirée sympathique et bien arrosée pour certaines.

Vint le moment de rentrer à bord des voiliers mouillés devant la jetée, à l'extérieur du port.

Le vent n'était pas fort, sans doute 15 à 18 nœuds de nord-est. Mais cela devient sportif et humide quand il faut retourner à bord sur de petites annexes, à la pagaie, dans le noir, sur une dizaine de voiliers au mouillage, non éclairés, avec des équipières éméchées.

Fort de mes années de canoë, je me suis auto proclamé chef de l'annexe. Après deux voyages sportifs et humides, les dernières équipières transportées m'invitent à leur bord pour un dernier verre. Je ne pouvais décemment pas refuser. 

Minuit étant passé, bien à l'abri dans le carré de " l'Audacieuse  Tarentelle", il n'était pas humain de repartir à la recherche de mon bord. Qu'à cela ne tienne, unanimes, les cinq équipières m'imposent de rester à leur bord. Je partagerais le poste avant.  Un peu serré entre Catherine et Sylvie, le petit bisou du soir se transforme vite en un baiser langoureux avec la chef de personnel.

L'infirmière, sur ma droite, n'entend pas rester sur la touche, se penche sur mon cas et prend la chose en bouche. Tétanisé, coincé, craignant pour mon intégrité physique, incapable du moindre mouvement, je laisse passer l'orage...

Evidemment, il se trouvera toujours un mauvais esprit qui considèrera que j'étais un homme "facile"..."




« La seule chose dont on pouvait être certain en mer, c'est que rien n'y était jamais certain »


Toujours naviguer comme si l’on ne possédait pas de GPS. C’est le meilleur moyen de garder ses sens en éveil et de garder des automatismes primordiaux dans le cas d’une navigation dans des conditions inhabituellement difficiles.

 De temps à autre, amusez vous à naviguer à l’ancienne avec une bonne vieille règle et des cartes. Cela occupe.




« Remonte au vent quand tu peux,
descends quand tu dois« 


Sur un bon voilier, il n’est pas toujours désagréable de faire du près, aussi, pourquoi s’en priver quand les conditions sont favorables ? Celles-ci sont tellement rares qu’il faut savoir en profiter.
 Et puis quelques heures de près par 15 noeuds de vent, soleil et mer plate sont souvent plaisantes.

Exemple : Si par un grand beau temps anticyclonique, à partir de Guernesey, un bord de près de 20 milles est possible vers Aurigny, ou un louvoyage  vers Serck,  pourquoi s’en priver ? 

 Les conditions favorables pour s’y rendre ne sont pas si fréquentes. 



Vent contre courant, 
t'en prends plein les dents.


Voilà bien une citation inconnue de nos amis Méditerranéens. Pourtant, la première fois où j’ai traversé le Golfe de St Tropez en planche à voile, un autochtone est venu me mettre en garde en m’alertant sur le fameux courant du Golfe !


Daniel Bonnefoy 2008




"une chose à chaque place, chaque place a sa chose.''


A respecter impérativement pour trouver facilement ce dont on aura besoin quand ça « chauffera ».

 « En octobre 1975, sur le Swan 38 DELNIC, premier voilier de L.Rousselin, jeune navigateur débutant de 65 ans dont la bible était la prose du Commandant de Kerviler, au large de La Corogne,  nous avons subi un coup de vent de sud qui nous a obligé à mettre à la cape durant près de trois jours ! Durant ces trois longues journées et nuits, les changements de quarts s’effectuaient à la seconde près. Cela donnait précisément : «  mon jeune ami, dans 12 secondes cela va être votre tour… » Nous avions chacun notre verre numéroté et il était hors de question de laisser trainer un ciré ou un livre. Je dois reconnaître qu’une fois descendu dans le carré nous oublions facilement la mer démontée et les 43 nœuds qui soufflaient… »

Cela peut être aussi: « Au petit matin, je retrouve mes lunettes dans les fonds. Je peux de nouveau lire mon GPS qui m’indique : 49°25N 4°29W. »

Mais, plus souvent, l’important sera de savoir ou se trouve la boite d’allumette, la paire de chaussette chaude ou la lampe torche durant le quart de nuit.




« Si tu doutes de ta position, vérifie.
Si tu es sûr de ta position, 
vérifie aussi. »


Toujours douter. Ne pestez pas contre le GPS qui donne des positions erronées, vérifiez plutôt les way-points que vous y avez rentrés…

«  Lors du départ d’une course entre Granville et Jersey, nous étions, sur le Sun Fast 36 FIDJI, dans le groupe de tête. Toutefois, nous étions les seuls à faire une route vers la Basse le Marié, 20° plus à l’est que nos concurrents. Notre navigateur nous rassurait en nous affirmant : » nous sommes sur la route », ce sont les autres qui se trompent… ». Tout cela, bien que nous devinions à l’horizon les hauteurs de Jersey sur bâbord !

Devant notre insistance, il consentit à vérifier les positions des way-points programmés. Evidemment, l’un d’entre eux était erroné. »


Daniel Bonnefoy 2008




« Toute séquence menant à un accident
 commence par tout va bien »


En arrivant à quai ou à couple d’un autre voilier, ne débordez jamais à la main sur les filières du voisin. Fier derrière sa barre à roue, le capitaine, avec ou sans casquette, DOIT s’arrêter au centimètre prés pour vous permettre de descendre en douceur passer les amarres.



« N'importe quel imbécile est capable de garder tout dessus »


Quand le suroît fraichît, il est inutile d’attendre que la nuit soit tombée pour prendre un ris ou enrouler le génois. Il est toujours plus difficile de manoeuvrer avec 30 nœuds de vent qu’avec 23. De plus, le bateau va moins vite et le matériel souffre.



« La connerie à laquelle tu penses est déjà faite, celle à laquelle tu ne penses pas encore se prépare. »


 De même, en arrivant sur un « chemin de chat » que certains s’obstinent à appeler catway,  il est inutile de sauter acrobatiquement sur les 30 cm glissants en teck ; ce n’est plus de votre âge. Et avec les voiliers modernes il est tellement facile de se « garer ». 

Le barreur DOIT donc s’arrêter précisément à l’endroit idoine. Si la manœuvre est médiocre, c’est de sa faute et non, celle de son équipière préférée.



« Tout le monde est bon capitaine par beau temps »

Quelle que soit son expérience, une qualité indispensable à un bon marin est l'humilité. Sa plus grande incompétence provient de son orgueil et de sa fierté.

C’est d’ailleurs exclusivement pour flatter l’ego des capitaines que les chantiers « marketing » équipent maintenant tous les voiliers d’une barre à roue et d’une console équipée de toute l’électronique devant le barreur.


Daniel Bonnefoy 2008



« Port : Endroit où les bateaux sont à l'abri des tempêtes et exposés à la furie des douanes. »
Ambrose Bierce - Extrait de Le dictionnaire du Diable

Tout le monde écrit des bêtises et c’est bien la preuve que cet écrivain ne connaît rien aux choses de la mer. En effet, les douaniers ont la fâcheuse habitude de préférer les contrôles en mer. Sans doute pour percevoir les primes de navigation qui vont avec…

Exemple : Ce jour glacial de janvier 2000, je partais avec deux amis pour un périple de trois semaines en voilier qui nous menait de St Malo en Corse. Après une longue période de mauvais temps, la Bretagne bénéficiait enfin d’un bel anticyclone. Par un vent froid de nord-est, nous sommes partis à 15h depuis le ponton visiteur du port des Bas-Sablons. La famille, les amis étaient là. En tout, une quinzaine de personnes qui ne passaient pas inaperçues  dans un port désert. Notre bateau était stationné exactement en face de la vedette des Douanes ou ses occupants s’affairaient.

Une heure plus tard, entre Banchenou et le Cap Fréhel, cette même vedette est venue à notre hauteur nous demander de mettre en panne pour un contrôle. Mise à l’eau de leur zodiac, venue à bord, contrôle des papiers du bateau exclusivement. Le douanier a passé 5 minutes à notre bord avant de regagner le sien. Puis la vedette s’en est retournée vers St Malo… Une grande journée de travail ! Sur le livre de bord est sans doute mentionné, « Contrôle voilier de plaisance », ce qui justifie une sortie par une belle journée ensoleillée d’hiver et la prime qui va avec….

Quelques heures plus tard,  le courant étant contraire devant les Héaux de Bréhat, je décide donc d’une escale courte de quelques heures dans le Ferlas devant Bréhat. A 0 h 45, alors que nous venions de mouiller, quelques coups résonnent sur la coque… Surprenant dans ce lieu. Il s’agissait des occupants de la vedette des douanes voisine pour un nouveau contrôle...

Daniel Bonnefoy 2008




HISTOIRE COQUINE : 

" Petit coup du matin réjouit le marin."





" PETIT COUP DU MATIN RÉJOUIT LE MARIN "











En 1974, sur un Mikado ( 17 m ) parti de Cowes dans la soirée en direction du Havre, la brise est forte, de force 6 à 7 de sud-ouest, la mer formée. Sous grand voile à deux ris et trinquette, sous toilé, ce confortable voilier roule beaucoup.

Passé l'euphorie des premières heures, durant la nuit, les équipiers et équipières, jeunes, se relaient sur les lits double des trois cabines à tour de rôle.

Impossible de dormir dans ce foutu bateau!  A deux sur ce lit, la seule position acceptable est couché en chien de fusil, sur le coté droit. Ma copine Martine en a marre et préfère retourner sur le pont... Dans un demi-sommeil, je sens que quelqu'un la remplace à mes cotés. Et la sarabande continue. A peine, croit-on s'endormir qu'un coup de roulis plus violent oblige à se cramponner.

En plus, il fait chaud, et cela manque d'air. Je m'endors sans doute quelques minutes. Ma voisine, dans la même position est contre moi. Tellement contre que j'ai maintenant l'impression qu'il s'agit d'un mâle. Sans doute Daniel ou Eric, peut être.

L'idée m'émoustille. Nos corps, imbriqués l'un dans l'autre roulent au rythme imposé par les vagues. Imperceptiblement, je ne fais rien qui m'écarte de ce corps. Au contraire.  Mes fesses, si proches de son sexe, m'échauffent l'imagination. Et pas qu'elle. Je me surprend à me serrer contre lui. Je n'ai plus du tout envie de dormir. Dort-il déjà?  Cela m'étonnerait. Pourquoi n'ose t-il pas? J'aimerais tant qu'il me serre dans ses bras, qu'il m'embrasse...



Soudain, l'une de ses mains se pose négligemment sur ma cuisse puis s'aventure un peu plus haut ... Enfin !

Je simule le sommeil jusqu'à ce que cette main s'infiltre sous mon soutien gorge et caresse doucement mon sein gauche, seul accessible. Loin de la repousser, je l'encourage en me serrant contre son sexe que je sens maintenant nettement. J'adore.   "      

Est-il besoin de le préciser, il s'agissait " d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre ". De nos jours, des faits aussi délictueux sont passibles d'une condamnation  pour viol.




« Celui qui marche droit
trouve toujours la route assez large »


Si, avant de quitter le port ou le mouillage, vous avez visualisé, sur une carte papier de préférence, les distances, les rochers, les hauts-fonds et les amers remarquables, il vous sera d’autant plus facile de faire route, même si les conditions deviennent mauvaises.

« Bulletin météo pour la journée du 3 novembre 1991: JERSEY: SW backing WSW  7 à 8 with gusts to 60 knots. Sea: Rough -
« Après avoir pris trois ris à l'abri du port de St Hélier, nous sommes sortis alors qu'un grain approchait. Nous l'avons subi à hauteur de Dog Ness et, sous 3 ris et moteur, notre Sun Légende avait  bien du mal à progresser à 2 noeuds.

La grêle, à l’horizontale, nous cinglait le dos. La visibilité était de l'ordre de 50 m, le vent, dans les rafales, montait jusqu’ à 52 nœuds réels pour se stabiliser autour de 45. Après avoir paré les proches dangers, le vent  ayant molli à 40 noeuds, nous avons déroulé quelques m2 de génois et abattu au cap 150/160 vers la bouée nord-est Minquiers à environ 80 ° du vent. La mer était forte, avec des creux de 3 à 4  m, parfois plus. Le vent moyen s'est stabilisé à 35/40 noeuds avec deux grains à 48 noeuds.

A 16 h 00, nous sommes « tombés » sur les Caux, la bouée nord-est des Minquiers alors que le vent n'était plus que de 30 noeuds.

Lors de l'embellie, après un nouveau grain de grêle violent, nous nous sommes retrouvés à 1/4 de mille dans l'ouest des Ardentes. Il devenait évident que nous ne pouvions atteindre St Malo. J'ai donc mis le cap sur la Grande Entrée de Chausey puis, devant l'imminence d'un nouveau nuage menaçant, j'ai préféré contourner l'archipel par le Nord. Ce qui fût judicieux ! « 

Etant le seul barreur capable de barrer dans ces conditions, et ne disposant pas d’instruments de positionnement ni, bien sur, de pilote automatique,  il valait mieux que la navigation soit préparée… N’oublions pas que, il y a quelques décennies, les guides de navigation déconseillaient formellement à la navigation de plaisance dans ce passage de la Déroute

Daniel Bonnefoy 2008



« Celui qui attend que tout danger soit écarté pour mettre les voiles, ne prendra jamais la mer. »
 
C’est sans doute ce que souhaitent les prévisionnistes de la météo française qui multiplient les avis de force 5 avec rafales à force 8 et même 9 ! On ne pourra plus leur reprocher de n’avoir pas su prévoir…

Mais on sait aussi que :

» Qui trop écoute la météo passe sa vie au bistrot… »

 « Le pessimiste se plaint du vent, l'optimiste espère qu'il va changer, le réaliste ajuste ses voiles. »
William Arthur Ward

« Parmi les plus grands traîtres de l'histoire, on pourrait mentionner la météo. »

« La météorologie, c’est l'art de prévoir ce qui change tout le temps… »



« Quand les mouettes ont pied,
il est temps de virer. »

A dire vrai, en course, l’on a beau apercevoir les crabes sous la quille, il arrive que l’on joue avec le contre-courant et la plage pour gagner les 0.50 m qui nous permettront d’infliger un tribord aux collègues…

 A ce jeu, il arrive que « ça le fait pas ». En général, on choisit des fonds de sable…

« Lors de la course de l’Edhec 1978, sur le Kelt 8m « Tchaïka », dans l’étroit contre-courant bi-quotidien qui sévit sur les 400 m, situés le long du Green, entre le  Royal Yacht Squadron et la pointe Egypt à Cowes. 

Comme des centaines d’autres voiliers à cet endroit depuis un siècle,  nous nous sommes » plantés ». A dix mètres de la promenade et du Green, la pente de la grève est raide. C’est ce qui a permis à trois équipiers descendu dans l’eau de pousser l’arrière du bateau. »



« Femme de marin, 
femme de chagrin »

Ancienne équipière qui a décidé d’arrêter de naviguer et de se faire eng…parce que son capitaine de mari était incapable de  « s’arrêter précisément à l’endroit idoine » lors de l’arrivée au ponton.

Daniel Bonnefoy 2008



« C'est à marée basse que les rochers sont les plus hauts. «  

ou

« les seuls qui n’ont jamais tapé unE GRUNE
 sont les menteurs»
«  variante chausiaise


Certains de mes amis ont beau dire que je tutoie tous les cailloux par leur petit nom, il m’est arrivé par quatre fois de talonner l’un d’entre eux. Certains d’entre vous trouveront que c’est beaucoup, pour moi, cela ne fait qu’une fois tous les 10 ans !

 Il semblerait  que le maître en la matière s’appelait Eric Tabarly. Mais il  a navigué 1000 fois plus que vous. !
« Sur le Silver Shamrok « Diablesse », nous avons talonné lors de l’arrivée d’une course entre St Malo et Granville juste après avoir franchi la ligne d’arrivée !

Cette ligne avait été malencontreusement positionnée à proximité de la pointe du Roc pour faciliter le travail des pointeurs du Yacht Club de Granville.

Malheureusement, ils n’avaient pas prévu que nous arriverions sous spi à l’heure de la marée basse. Et à Granville, avec un coefficient de 117, il n’y a pas beaucoup d’eau !

Sur « Ackel », un 38 pieds, en 1983, je connaissais parfaitement l’existence de ces haut-fonds proches de Dinard. Il s’agit d’une négligence liée au fait que sur un 38 pieds en régate, il n’est pas simple d’être à la fois, barreur, skipper, navigateur, tacticien et bosco.

Lors du National Sigma championship de  2003 à Dinard, j’ai été « shangaïé » par l’ équipage anglais du Sigma 38  « Festina Lente «  intéressé par mes connaissances des cailloux de la baie de St Malo. Lors du dernier bord de la dernière manche à moins d’un mille de la ligne d’arrivée, nous étions 3ième. Au louvoyage, à proximité de la tourelle des Petits Pointus,  nos concurrents directs n’ont pas osé l’approcher et ont tiré un bord.

Flairant la possibilité de les devancer, et de gagner le classement général, j’ai proposé au skipper, Philip, de « shunter » la tourelle, sachant, qu’il y avait un passage de 10 m entre deux cailloux. En bon régatier, il a accepté. 20 secondes plus tard, à 6.5 noeuds, nous avons percuté violemment le rocher le plus à l’est, puis continué notre route. Toutefois, grâce à cela, nous avons gagné le National anglais et sommes restons bons amis. Le Sigma 38 est solide et n’a eu qu’un « souvenir » dans son lest en plomb.

Aux Minquiers en 2008, sur un Bavaria 38, je le cite pour l’anecdote, et au ralenti, nous avons touché à  l’approche de la Maitresse ile à 1° de l’alignement   vers le Rocher blanc dont une perche était absente. Ce qui correspond surement à la déviation du compas. »

Retenez que seuls les navigateurs qui restent au port ne talonnent pas ! Normalement aussi, les méditerranéens. En effet, ce n’est pas facile quand, entre Monaco et Collioure, il y a moins de bouées et tourelles que dans les seules baies de Morlaix ou de St Malo …
Daniel Bonnefoy 2008


Cela, je l'avais écrit en 2008. 





Car en 2018, j'ai talonné sur les roches à Pi Pi au nord de Chausey, sous spi plein vent arrière par beau temps avec 10 noeuds de vent.  Cela a été violent. Et surprenant pour le navigateur que je suis. En effet, le nez devant l'écran de mon ordinateur, je voyais que notre trace s'éloignait des roches toutes proches Mais notre Sun Odyssée 40 est robuste et, aprés avoir talonné 4 à 5 fois, seul le safran a été légèrement endommagé.  

Cela reste donc pour moi, un talonnage tous les 10 ans. 



"MOINS TU VAS VITE, 
MOINS TU TAPE FORT "



Il arrive que notre esprit aventureux nous entraîne à emmener nos quilles dans des endroits peu fréquentables. N’en déplaise aux partisans du tout électronique, dans ces circonstances, mieux vaut avoir sous les yeux une bonne vieille carte de détail qu’un moderne GPS traceur. Un alignement clairement identifié est toujours plus précis qu’une position GPS !

Malgré tout, une bonne carte peut rendre service :
«  Connaissant peu la Méditerranée, en 1986, j’ai accepté de skipper un Sun Légende loué par deux couples de parfaits citadins, ignares des choses de la mer. L’un d’entre eux, riche ferrailleur de Gennevilliers était plutôt sympathique ;  l’autre, agent immobilier, d’origine pied noir, réunissait toutes les « qualités » qu’on leur prête au cinéma. Leur objectif unique était d’être le soir dans un port disposant d'un casino. Ils partaient chaque soir avec de la « fraiche », 8000 francs ( 1200 euros ) chacun.

Dans les calanques de Cassis, l’un d’eux se mit en tête d’aller manger le soir, la meilleure bouillabaisse de Marseille, disait-il,  dans le petit port des Goudes.

J’objectais que la carte indiquait une profondeur de 2 m, soit le tirant d’eau du bateau et refusait donc d’y rentrer. Ce qui mit mon pied noir dans une fureur difficilement descriptible, si ce n'est par De Funès!

 Sous la menace, et à l’extrême ralenti, je consenti à avancer en touchant le fond de temps à autre. Ce restaurant était effectivement une excellente adresse, celui ou Mireille Darc et A.Delon déjeunent dans le film «  Le deuxième souffle », me semble t-il... »




« La mer est aussi profonde
dans le calme que dans la tempête. »
- John Donne -Extrait de Sermons

Par belle brise ou gros temps, mieux vaut éviter les zones de hauts fonds…

«  Entre le raz Blanchard et Guernesey, le banc de la Schôle se trouve juste sur la route directe. La mer y déferle sérieusement dès que la brise se lève. Si en plus, le courant  s’en mêle, cela devient une zone dangereuse. Il en est de même à quelques milles au nord, dans le sud d’Aurigny.

Aujourd’hui, il est facile d’éviter ces zones de remous grâce à nos GPS traceurs… Pourquoi s’en priver ? »



 « plus tu vas lentement,
 moins tu es manoeuvrant »

Dans les ports, nos amis anglais qui, en général, savent ce que naviguer veut dire,  n’hésitent pas à naviguer à 5 nœuds ce qui leur permet de rester manoeuvrant. 

En général, le français est hésitant et dépasse rarement 2 nœuds. Curieusement, je n’ai jamais noté d’incidents en Angleterre, contrairement à la France, ou les mises en travers où les marches arrière en catastrophe sont devenues habituelles. A vous de choisir…

«  A Cowes, la Mecque du yachting depuis le siècle dernier, un jour de départ de course, il est époustouflant de voir les voiliers sortir de la marina perpendiculaire au chenal où un courant de 3 nœuds est fréquent entre les ferries rapides, les hovercrafts, les caboteurs et même un bac à chaîne !

 De plus, les voiliers de 12 à 20 m sont plus nombreux que ceux de 8 m  et le chenal ne dépasse pas 100 m. Pourtant, cela se passe toujours en souplesse… »

Daniel Bonnefoy 2008



Si tu veux faire un vieux marin,
arrondis les caps 
et salue les grains.


Autant que je m’en souvienne, je n’ai jamais rencontré de soucis liés à la proximité d’une pointe ou par une difficulté non anticipée. Il faut dire que du fait de mes origines granvillaises, je ne suis jamais sorti ou rentré  dans un port exposé sans garder la grand voile envoyée. Cela m’a parfois permis de couper court à des pannes de moteur inopportunes.

«  En 2007, sur un catamaran Hélios 38 en approche des jetées de  Brighton par une belle brise de sud-ouest fraîchissante et une mer formée, j’ai du élever la voix pour empêcher l’équipage d’affaler la grand voile avant de s’engouffrer entre les jetées étroites à 10 noeuds.

Bien que disposant de deux moteurs, je préfère toujours assurer la manœuvre comme si la pompe à eau rendait l’âme et un bout se prenait dans l’hélice de l’autre moteur.

Vous trouvez que j’exagère ? Et bien cela m’est arrivé en arrivant dans la Médina de Cowes! N’oubliez pas que les accidents se produisent toujours selon la loi de l’ emm…maximum. 

Le lendemain, dans les mêmes conditions, nous avons hissé les voiles à l’abri de la marina, sous les applaudissements de nos voisins anglais ! »





« Mieux vaut un seul homme complètement rincé
 qu'un équipage complet mouillé.»


Quand le vent à tendance à fraîchir et que le clapot devient un peu plus agressif, n’attendez pas de recevoir les premiers embruns avant de capeler un ciré. Si la pluie battante ou les embruns répétés ne justifient pas que l’équipage soit dehors, pourquoi imposer que vos équipiers soit tous en tenue de combat à l’extérieur.



«Rien ne sert de ... « 


Sur un voilier d’une certaine taille, privilégiez le moindre effort. Rien ne sert de tirer comme un fou sur l’écoute, l’écoute de génois sera toujours la plus forte. Et des "machines" nommés treuils ou cabestans ont été conçus pour cela. En France, on les appelle des winches.

Daniel Bonnefoy 2008





« j’aime ces cartes marines striées de flèches noires, de toutes tailles et directions » 
Erik Orsenna de l’Académie Française

On l’a déjà dit, des relevés de fonds sur une carte établies par Beautemps-Beaupré il y a deux siècles sont beaucoup plus propices au rêve que les flèches d’un logiciel informatique. Il faut reconnaître qu’un ordinateur à bord se rend vite indispensable et que Macsea est bien pratique.

 Gardez à l’esprit que sa précision est insuffisante pour effectuer du rase-cailloux dans des zones à fort courant comme les anglo-normandes.

‘Sur un Bavaria 38 aux Minquiers en 2008, à moins d’avoir le nez dessus, nous étions incapable de lire le traceur sur sa console du fait de l’ensoleillement. Comme nous naviguions à 2 m près dans l’approche vers la Maitresse-Ile… nous étions heureux de disposer de la carte de détail doublée du guide de Michael Robson, malgré cela... nous avons touché.»

Et puis une bonne carte de détail n’est-elle pas beaucoup plus propice au rêve?

 Par exemple : Au nord de Guernesey, n’est- il pas plaisant de doubler la Noire Pute,  elle-même située à quelques milles de la Grande Amfroque.


Daniel Bonnefoy 2008







« Qui voit Ouessant voit son sang
Qui voit Groix voit sa croix
Qui voit Sein voit sa fin »



Heureusement, ce proverbe bien connu est généralement faux. Pourtant, s’il est bien un secteur de navigation que je n’aime guère, c’est bien celui situé entre l’Ile Vierge et le phare du Four. Peut être parce que trois de mes amis y ont perdu la vie ?

«  En 1982, arrivés de nuit sur « Lady Be Good », un two tonner de Ron Holland que nous devions convoyer de Bénodet à Cowes, nous découvrons au moment de partir, tôt le matin, que les cartes n’étaient pas à bord.

Le vent était de nord-est et la visibilité médiocre, mais cela ne nous a pas empêché de louvoyer jusque dans le Solent le lendemain, sans difficulté particulière.

Vous aurez noté qu’à l’époque nous ne disposions pas de GPS, ni même de decca. Le pif, rien que le pif et une expérience certaine. »


Daniel Bonnefoy 2008



« Un bateau est conçu pour aller sur l'eau,
mais l'eau ne doit pas y entrer. « 

Si vous ne voulez pas un jour avoir une poussée d’adrénaline en descendant dans votre bateau rempli d’eau, vérifiez que les vannes de pompes soient fermées en navigation.

«  Lors d’une étape du Tour de France à la Voile en 1985, entre le pont de Ré et l’ile d’Oléron, alors que nous étions dans les tous premiers Sélection de la flotte depuis le départ de St Nazaire, vers deux heures du matin, les feux de nos poursuivants se rapprochaient, inexorablement.

Le navigateur, descendant à la table à carte, rempli ses bottes dans 30 cm d’eau… Le loch-speedo, mal bloqué avait « sauté »… Nous avons fini la nuit à vider l’eau avec le seul seau du bord.»




« une main pour soi, 
une main pour le bateau »


On prête, à tort, à Eric Tabarly d’avoir prétendu que » l’homme qui passe à l’eau n’avait pas sa place à bord ». Par contre, cela « sent » très fortement les propos péremptoires de l’Amiral, je veux parler de Olivier de Kersauzon…

D’ailleurs, notre regretté Eric n’était il pas déjà passé à l’eau en 1964, alors que le futur écrivain Yann Queffélec barrait son « Tarann » du coté de l’entrée du golfe du Morbihan ainsi que ce dernier le révèle dans son dernier livre ?

Pour ma part, j’ai pris, conscience récemment que parmi mes relations décédées accidentellement, je connaissais beaucoup plus de personnes mortes en mer  que d’un accident de la route.

En fait, et j’appelle relation quelqu’un avec qui, si je n’ai pas navigué avec lui, j’ai bu au minimum deux ou trois bières, j’en connais treize perdues en mer contre seulement deux amis accidentés de la route. De plus, j’aurais pu en ajouter quelques autres que je connaissais peu.

Cela fait réfléchir. J’espère seulement que c’est une fâcheuse coïncidence…

Daniel Bonnefoy 2008




« C’est après la foire que l’on compte les bouses»  

 En août 1979, l’avant-veille du départ du trop célèbre et meurtrier Fastnet, lors de la dernière régate de la Semaine de Cowes,  le Royal Yacht Squadron a donné un départ dans des conditions rares.

Compte tenu de la dépression profonde qui passait sur le sud de l’Angleterre, seuls les « one tonner », « two tonner » et « maxi » étaient autorisés à naviguer. Sur la ligne se trouvait donc les classe 1 dont Condor -30 m - les "admiralers" du monde entier ( Néo-zed, Australiens, Américains…) et une dizaine de « petits », les «  one tonner « (11.5 à 13 m).

Je courais sur Tapacenbal, un plan Berret en bois moulé, voilier rapide dans la brise qui avait régnée toute la semaine et nous courions pour la première place au classement général. Notre concurrent le plus coriace était l’anglais Oystercatcher.


Fidèle à leur habitude, le Royal Yacht Squadron a donné le départ au vent arrière vers l’est, à l’heure précise. Pourtant, du coté de Yarmouth,  un nuage sombre s’annonçait juste derrière nous venant des Needles, dans l’ouest du Solent.

« Au coup de canon devant Cowes, le vent était établi à 40 nœuds. Cela « fumait ». Seuls, Bermudes, Cider & Roses, Oystercatcher et nous même envoyons le spi tribord amure, plein vent arrière, en route directe vers la première bouée : South Bramble. La plupart des autres concurrents préféraient naviguer sous génois ou foc tangonné.

Equipage affuté, notre envoi de spi se passe sans difficulté et Tapacenbal déboule à une dizaine de nœuds vers la bouée. Le spi ne peut être plus bridé. Pour ma part, je suis au bras de spi et il me suffit d’être attentif. Tout le travail est pour le barreur, hyper concentré. De temps à autre, on sent un coup de gite sur tribord, à la contre-gite mais on s’habitue.

« Cela baigne » et, passé la première minute, nous sommes décontractés. Nous prenons le temps de « jeter un œil » derrière nous sur le roulis rythmique impressionnant des IOR classiques. Le Joubert "Bermudes", skippé par Yves Pajot, nous précède ainsi qu’un anglais " Cider & Roses ". C’est bien parti pour nous, car nous savons que nous « allons mieux qu’eux » au près.  « Cela devrait le faire ».

Soudain, il ne reste plus qu’un spi devant nous et, 20 secondes après, nous longeons "Bermudes" démâté. Nous nous réjouissons. Le départ a été donné il y a moins de 5 minutes ! Le grain monte, violent, les « barber » ne peuvent être plus souqués, le spi lourd orange plus bridé. Sans doute à une quinzaine de nœuds, sur un clapot court et une mer plate, "Tapacenbal " accélère sur un rail. Nous sommes tendus et, chacun, intérieurement, pense que ce n’est pas vraiment raisonnable mais «cela le fait ».

Cela déboule bien et sommes maintenant à moins d’un mille de la bouée, juste derrière "Cider & Roses" que nous voyons soudain pivoter brutalement et se coucher. Il n’a plus de safran. A moins de 500 m de la première bouée, nous sommes en tête. Toutefois, le courant nous a un peu dépâlé dans le sud de la route et Lionel, concentré, nous maintient magistralement sur la panne avec une légère contre-gite. Avec 50 nœuds de vent, il faut le faire!


Nous étions trop en confiance. Brutalement, bien qu’après deux ou trois alertes, notre plan Berret part à l’abattée comme ces carènes savaient si bien le faire. La bôme empanne violemment, se plaque sur la bastaque tribord reprise. C’est la guerre. Chacun d’entre nous essaie de se coordonner avec les « collègues ». La grand-voile claque violemment, le spi bat brutalement, tangon planté dans l’eau verte sur tribord.

Pour ma part, tangon planté dans l’eau, dans un cockpit dont le plancher est quasi vertical, j’étais dans l’impossibilité de choquer le bras de spi alors que le winch tribord est sous l’eau. Le plus urgent est de reprendre la bastaque bâbord et de choquer celle de tribord, sous l’eau, couché que nous sommes à 80°. Le safran, en permanence sorti de l’eau est inopérant et nous dérivons, couché sur notre tribord amure. Nous voyons clairement la grand voile se découdre, les lattes se glisser hors de leur gousset.

Une fois la bastaque choquée, la drisse de spi larguée, tant bien que mal les équipiers avant, Loïc et Alain, récupèrent le spi et "Tapacenbal" se redresse. En même temps, François et Bébert affalent la grand voile dont plusieurs laizes se décousent et renvoyons un foc 2. C’est alors que nous nous apercevons que le pont en contreplaqué est arraché sur 50 cm2 à bâbord et 30 cm2 à tribord au niveau des poulies de barber-haulers ! Au niveau de la bastaque bâbord, le pont est aussi arraché.

Nous continuons notre route plein vent arrière, sous foc seul, juste devant la flotte encore en course sous génois ou foc tangonné et, surprise, avec notre petite voile d’avant, équipage décontracté, notre carène planante va aussi vite qu’eux !

Toujours vent arrière vers les Forts, nous croisons la flotte des classe 1 de retour au louvoyage. "Condor", "Gauloises 3", sous 3 ris et foc nous croisent. Bien calé dans le balcon arrière, avec mon appareil photo, malgré la visibilité réduite et la pluie,  je mitraille les voiliers qui passent à proximité. Curieusement, nous sommes toujours en tête de notre classe !

Un admiraler, "Casse tête V" passe juste devant nous bâbord amure et vire immédiatement. Je le photographie. Alors que son équipage reborde son foc, il prend sa gite et, dans une rafale, sa tête de mat se glisse entre notre pataras et notre mat !

Je prends la photo alors que nous nous couchons et que notre mat se plie à hauteur de la première barre de flèche. Il ne nous reste plus qu’à continuer notre route vers Gosport, sous le vent à quelques milles. « 

Nous saurons par la suite que, dans la matinée, 54 noeuds de vent ont été enregistrés à la station météo voisine et qu’un équipier est mort, le crane violemment frappé par la bôme,  lors d’un empannage involontaire. Adieu le Fastnet. Nous ne connaissions pas encore notre chance.

Pour la jeune classe, lors du Fastnet 1979, 19 voiliers ont été abandonnés et récupérés, 5 bateaux coulés après leur abandon par l’équipage et il y a eu 15 morts, pour la plupart dans leur canot de survie.

Notre « agresseur » Casse tête V,  malgré sa taille,  était du lot des nombreux voiliers qui ont rencontré de sérieuses difficultés. « 


Daniel Bonnefoy 2008



« Le marin se distingue par son aptitude à pratiquer la sieste à toute heure, en tous lieux, par tous les temps. Car ce qui est pris n'est plus à prendre. »  
Hervé Hamon

ANTICIPER : Vous commencez à le comprendre, en naviguant, cela doit être votre maitre mot, votre pensée unique. Cela vous évitera bien des déconvenues. Cela signifie  aussi, manger, se reposer dès que cela est possible. La sieste, c’est important…



" Deux capitaines sur le pont
et le bateau est au fond ! "

Ce n'est pas parce que nous n'avons pas les mêmes idées politique que nous ne pouvons pas partager une passion...

C'est pourquoi, il ne faut qu'un seul navigateur qui décide à bord. Imaginez que je veuille toujours tirer le bord tribord et mon skipper le bord du facteur à gauche...

Toutefois, cela n'empêche pas de franches discussions.


Daniel Bonnefoy 2008
  

« Un bateau n'est pas plus grand ou plus petit,
selon qu'il se trouve
au creux ou au sommet de la vague. »

« En 2004, j’ai acheté « Pixie », un Téquila sport ( 7.2 m) et, avec mon copain Daniel et une amie, nous étions sur la ligne de départ du Tour des Ports de la Manche (110 voiliers) à St Vaast la Hougue. Il ne faisait pas beau pour un mois de juillet, c’est un euphémisme…

Nous avons observé le départ des voiliers de notre catégorie, sans aller, comme eux, virer la bouée de dégagement au louvoyage et avons mis le cap directement vers le Raz de Barfleur, persuadés que nous verrions la flotte des « gros » nous rattraper et nous doubler.

Le vent soufflait de secteur ouest force 5 à 6 et, à partir de Gatteville, avec 2 à 2.5 nœuds de courant favorable contre le vent, au près, cela secouait brutalement.

De temps à autre, alors qu’au rappel avec ma copine nous devisions gaiement, une déferlante nous interrompait.

La mer était grosse pour les 7.2 m de mon bateau qui passait merveilleusement bien les vagues. Mais ma plus grande fierté a été d’arriver dans la rade de Cherbourg sans être rattrapée.
Nous avons même du faire demi-tour pour aller attendre les copains ! J’étais heureuse mais complètement trempée, il faut dire que les conditions étaient vraiment difficiles. »

Laurence Poncet & Daniel Bonnefoy 2004
  


"Le voilier est le moyen le plus cher,le plus lent et le plus inconfortable pour aller d'un endroit où l'on est bien à un
endroit où l'on n'a rien à faire".


En 1975, se terminait le Triangle Atlantique. Après la Whitbread de 1973, c’était la deuxième fois qu’une course à étape inter-continentale était organisée dans le monde.

Après avoir relié St Malo à Capetown, puis Rio de Janeiro, le BOBIV, un Cornu de 14 m construit chez Labbé à S Malo terminait son triangle vers Portsmouth sous les ordres de son skipper, un gamin de 17 ans : Franck Escoffier.

L’atterrissage lors du dernier jour de mer est joliment relaté par mon ami, André Gentil, dans son excellent livre de mer, « Par les trois caps, t’es pas cap » :

 « Après 60 jours de mer, nous remontions de Rio de Janeiro vers Portsmouth, dernière étape du Triangle atlantique. L’anticyclone nous avait joué des mauvais tours et fait prendre du retard au point de nous rationner en eau et nourriture.

Nous entrâmes en Manche par une épaisse brume. Le petit temps s’installa durablement. La brume durait depuis trois jours et notre point astro vieillissait mal. La gonio reprit du service, les instructions nautiques furent épluchées jusque dans les moindres détails.  C’est de l’ouïe que vint la délivrance. Deux sons de corne toutes les trente secondes. C’était bien elle.

 Nous étions à quelques milles de la pointe Ste Catherine au sud de l’île de Wight. Le son de la corne était désormais sur notre arrière bâbord. Nous nous tenions tous les sept sur le pont, silencieux, recueillis.

Des remous inquiétant firent monter la tension d’un cran.
-On est dans la roche…Très près de la côte.
-Chut. Taisez vous ! J’entends une voiture.
Debout au pied du mat, Térénia murmura,  incrédule :
-Regardez, des vaches.
-Où ça 
-Là haut.
-Regardez là haut sur la colline, entre les bouchons de brume.
-Elles volent ?
-Non, elles broutent. Oh, nom de Dieu, des vaches !
Imaginez la scène, sept navigateurs hirsutes, à faire peur, apercevant des vaches sur les flancs verdoyants de l’île de Wight après cinquante-sept jours de mer ! »

A l’époque, le rôle du navigateur était primordial. La navigation se faisait exclusivement à l’estime et c’était agir en bon marin que, dans la boucaille, et même en course, on abatte pour reconnaître une bouée ou une cote afin de « conforter » l’estime.

C’était un temps que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître…

Ils ne jouiront jamais de la satisfaction qu’apportait la découverte du point d’atterrissage espéré qui succédait à des heures de doute. Le navigateur pouvait enfin se la jouer modeste alors qu’il distillait à l’équipage depuis de heures, voire des jours, des positions dont il doutait…

On le constate, en dehors de la radio-gonio, aide toute relative, aucun progrès n’avait été effectué depuis des centaines d’années.

Aujourd’hui, durant la durée de cette course (170 jours de mer), on effectue trois tours du monde…


Daniel Bonnefoy 2008


Et n’oublions jamais  la loi de Murphy :

« Si tout va bien, c'est que vous avez mal regardé... » 

Quelques évidences:

- Il manque toujours une défense à l'endroit où ça touche.
- Une main pour soi, une main pour le bateau...
- Un tour-mort et 2 demi-clés n'ont jamais manqués.

Inutile de connaître les 3800 nœuds recensés par Clifford W.Ashley.
Il vous suffit de réaliser avec automatisme 5 à 6 nœuds:
- Le nœud de cabestan (pour amarrer les défenses sur les filières)
- Le nœud de grappin (pour s’amarrer à un anneau)
- Le nœud en huit. (sur les écoutes de spi et de génois)
- Le noeud plat (pour « rabouter » deux bouts)

Sans oublier, les plus utilisés:
- Le nœud de chaise. Celui du serpent qui sort du puits, fait le tour de l'arbre et replonge dans le puits... (Le nœud à tout faire)
- Le nœud du capitaine (plusieurs fonctions possibles)
- Le nœud de cravate.

Cap compas ou cap vrai :

Quand on descend dans le bateau on enlève son ciré. La déclinaison se retranche donc sur la carte.
Si l’on monte la descente pour sortir du bateau on met son ciré. En clair, on ajoute la déclinaison pour indiquer le cap compas)


En navigation de nuit :

vert sur vert, tout est clair
rouge sur rouge, rien ne bouge


En navigation de jour :


« Un bas si rouge et deux tricots verts »

UN 
BAbord CYlindre ROUGE et DEUX TRI bord COnes VERTS





Daniel Bonnefoy 2008