samedi 1 octobre 2016

1974 La Trinité - La Rochelle sur un CONTESSA 35

Au printemps 1974, je courais sur un Contessa 35 flush deck. Le voilier qui avait gagné la One Ton Cup l’année précédente. Bref, le meilleur voilier du monde dans sa catégorie.

Devant courir la Semaine de La Rochelle, son propriétaire, Monsieur B.... des Varannes avait engagé un skipper reconnu de l’époque, Jean- Michel Carpentier, payé, ce qui était extrêmement rare à l’époque.





Semaine de la Rochelle 1974

Reconnaissez vous le svelte n° 1 ? 

La course La Trinité / La Rochelle était une course de ralliement de 100 milles qui avait la particularité de partir à 20 h. C’était donc une course de nuit et, cette année là, le vent de nord-ouest était dans l’axe de la route.

Plein vent arrière, avec une vingtaine de nœuds, sous spi et big-boy, ce type de carène (architecte: Peterson) nécessitait à l’équipage au complet une attention sans faille pour ne pas partir « au tas ».

Le roulis rythmique était la règle et nous commencions à nous inquiéter quand la bôme touchait l’eau puis quand, sur l’autre bord, le tangon s’en approchait. Quand après trois balancements, le mouvement ne se résorbait pas, c’était mauvais signe… Pour les profanes, le big-boy mesurait 50 % de la surface du spi et avait pour avantage principal, celui de stabiliser le roulis.

Le barreur n’était pas à la fête et ne pouvait se déconcentrer. Pour des raisons tactiques, notre barreur et aussi skipper, seul capable de barrer longtemps dans ces conditions, avait décidé d’empanner toutes les heures pour rester sur la route directe.

C’est facile à dire et à écrire mais irréaliste avec un équipage jeune et découvrant le bateau, de nuit, sur un bateau disposant de 2 cockpits, qui ne comportaient pas moins de 14 winches. A l’époque, il n’existait pas de bloqueur et chaque manœuvre (hale bas, balancine, bras, écoute de spi, écoute de génois…) revenait sur un winch qui lui était propre. De plus, l’empannage à un tangon imposait un bras et une écoute sur chaque bord et donc une coordination sans faille lors du passage du tangon sous l’étai. Moment délicat ou le spi était livré à lui même.

Bien entendu, l'éclairage était inexistant et je vous laisse le soin d'imaginer le "sac de nouilles" dans les cockpits de « bouts » de la même couleur passant par 14 winches!

Chaque heure, l’empannage, nécessitait d’affaler le big-boy, d’empanner le spi, puis de renvoyer le big-boy sur l’autre amure. Dès le premier empannage, qui ne s’était pas bien passé, c’est un euphémisme, en tant que « vieux » de l’équipage, 22 ans, j’étais intervenu pour suggérer au skipper, J.M.Carpentier que ce serait surement plus efficace de limiter les empannages et qu’il nous explique un peu, plutôt que de hurler à la barre.

Peine perdu, nous n’avons sans doute pas fait de coquetiers à chaque empannage et nous nous sommes surement un peu améliorés au fil de la nuit mais « c’était chaud ». De temps à autre un départ au lof nous réveillait…

Manifestement la pédagogie n’était pas le point fort de notre skipper. Au point que vers deux heures du matin, alors que notre spi était enroulé autour de l’étai, je me souviens parfaitement qu’à deux ou trois équipiers, nous faisions semblant de démêler ce fichu spi pendant que notre barreur vociférait à l’arrière. Nous n’en « avions rien à foutre » et nos conciliabules auraient pu s’appeler « petite discussion dans un balcon avant… en vue de notre prochaine mutinerie»

Il n’empêche qu’à 3 heures du matin, il a décidé de remettre cela sur l’autre bord. De nouveau, cela ne s’est pas bien passé. Cette fois, rendu fou par notre incompétence, il cède la barre franche au propriétaire et se précipite vers l’avant. Deux secondes plus tard, le propriétaire barreur empanne involontairement et la bôme frappe violemment notre skipper dans le dos. Il est projeté sous la filière détendue. Grâce au fait que j’étais dans le cockpit de manoeuvre central, en me précipitant je l'ai retenu avant qu’il ne passe sous la filière.

Le dos très douloureux, J.M. Carpentier finira la course allongé dans une couchette et nous continuerons sur un bord sans empanner jusque dans le Pertuis breton.

Au petit matin, dans le Pertuis breton, nous découvrons  le Carter 37 « Pordin Nancq », plus long, sur notre travers. Finalement, pour de petits débutants, nous n’avions pas si mal "marché".


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20 ans plus tard, j’ai eu l’occasion d'en parler avec Jean Michel Carpentier. Cette course est mémorable pour lui aussi mais pour une autre raison. Il a eu, cette nuit là,  deux hypophyses de vertèbres cassées qui se rappellent à lui trop fréquemment à son goût…

Cela peut paraître étonnant aux plus jeunes, mais en 1974, un Contessa 35 était en France un « gros » voilier, ce qui se faisait de mieux. Par exemple, ce même voilier à fait cette année là trois fois la couverture des revues nautique de l’époque !

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Solent Saracen  devenu Lady of Solent




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GUMBOOTS  Gagnant de la One Ton Cup 1974


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