lundi 13 février 2017

LA BELLE ANGELE : son naufrage




Anthony, marin expérimenté, perdu en mer  

le 17 octobre 2017 sur "La Belle Angèle"
Ancien du "Bélem" et du "Renard".







 "La mer a emporté dans ses flots déchainés ce mardi dernier un très bon marin, un ami Malouin, le capitaine corsaire du Renard, beauté de ces eaux, un homme droit, généreux et heureux. Heureux de faire tourner ce vieux gréement, heureux de transmettre l'histoire et intarrissable de questions sur le fonctionnement de notre belle à nous, tellement il était admiratif à chaque fois qu'elle lui tournait autour avec tout d'sus! 

La mer continue d'emporter avec lui des morceau du bateau, fracassé sur les roches. Cela fait froid dans le dos. La Belle angèle était une bonne copine. Comme notre bisquine elle était entourée d'une association vivante et amoureuse de son bateau. Une asso meurtrie aujourd'hui d'avoir perdu sa raison d'être. On veut pas imaginer quel mal cela peut faire....
On veut juste partager aujourdhui, notre soutien, notre compassion, et nos pensées qui vont naturellement vers tous ceux qui aimaient Anthony et La Belle Angèle. Leurs familles, leurs amis, leurs camarades d'un jour ou de toujours... à tout ceux qui ont croisé leur route avec bonheur, COURAGE!"
Association Bisquine Cancalaise.







MON OPINION :
J'imagine que dans le chenal, à l'approche de la bouée du Libenter ou juste avant (haut fond de 2.8 m ) le patron, Anthony... 43 ans, a pris une sage décision de marin en faisant demi tour quand, dans la nuit,  il a pris conscience de la hauteur de la houle en sachant qu'elle augmenterait en se rapprochant de la Basse Portsall. 

Il a d'ailleurs demandé confirmation par VHF vers le Cross Corsen de la hauteur des vagues à quelques milles dans l'ouest  ( 5 à 7 m ).
Par expérience, je sais que la hauteur des vagues est surement du double en déferlant pour peu que l'on se rapproche des hauts fonds . 
Très proches de l'axe du chenal à hauteur de la bouée du Trépied, il existe des hauts-fonds à 2.7 m et 2.8 m sur lesquels il ne faisait pas bon passer .  Et il en existe d'autres...
La nuit, même avec un vent faible,  des vagues de 5 à 7 m déferlant de chaque coté du chenal ( étroit à hauteur du Libenter) cela doit être très impressionnant. Tout cela accentué avec le courant favorable ( surement 1.5 à 2 noeuds ) .
Malheureusement, erreur de navigation, panne de moteur, couché par une déferlante ?   On le saura un jour. 

 Mais cela ne rendra pas son père à son fils...





Rapport du BEA MER

Le mardi 17 octobre 2017, la pleine mer (coeff. 77) est à 04h 39 et le lever du jour à 08 h 40, au petit matin il fait encore nuit noire. Le Sitrep (source Météo-France) indique : vent de sud force 2 (vitesse comprise entre 6 et 8 nœuds), mer 4 (agitée, hauteur des vagues de 1,25 à 2,50 mètres), visibilité 8 milles, température de la mer et de l’air 15°C. Le skipper prépare le navire à 04h00 et les amarres sont larguées à 05h00.   

Le skipper est à la barre, le matelot et deux passagers sont sur le pont et aident à la manœuvre, le reste des passagers est dans le poste et prend son petit déjeuner. Immédiatement la grand-voile avec un ris et le foc sont hissés et le navire commence son chenalage au moteur vers la sortie de l’Aber Wrac’h. Le vent est insuffisant, seul le moteur assure la propulsion.

Le navire tangue en prenant une grande houle de face, le skipper contacte le CROSS Corsen sur VHF canal 16 pour avoir une estimation de la houle à la sortie de l’Aber Wrac’h. Les prévisions indiquant une houle de 5 à 7 mètres, le skipper décide alors de faire demi-tour.
Vers 05h40, la giration est entamée par la gauche. L’angle maximal de barre ne pouvant être obtenu avec les palans, le skipper se fait aider par le matelot et un passager pour pousser la barre en butée. 

Le demi-tour effectué, les personnes présentes sur le pont notent que le skipper semble incertain sur sa position et entendent la mer briser sur des rochers proches. Le passager situé à l’avant du navire aperçoit et signale des rochers droit devant. Un choc violent est ressenti, puis un deuxième et le navire s’échoue sur bâbord, cap au sud-est.
À 05 h 49, le skipper lance un MAYDAY sur VHF canal 16 puis demande aux passagers de capeler leurs brassières. Les passagers s’équipent dans la cabine tandis que le skipper se dirige vers l’avant pour larguer un radeau de survie. Le skipper demande au matelot qui se tient plus sur l’arrière de lui fournir un couteau ; quand celui-ci relève la tête pour se diriger vers l’avant avec un couteau, le skipper a disparu. Les passagers se regroupent sur le pont et attendent les secours.
DECISION D’APPAREILLER DE NUIT

 Ni le skipper, ni le matelot et les passagers n’ont d’impératifs de date pour ramener le navire à Pont-Aven. L’escale d’une journée à l’Aber Wrac’h, pour laisser passer la tempête Ophelia, est une sage décision. La météo a été soigneusement scrutée pour envisager un départ le 17 octobre tôt le matin. Cependant, la potentialité d’une houle résiduelle aussi importante à cet endroit après le passage de la tempête n’a pas été soupçonnée avant le départ. L’appareillage effectué tôt le matin par une nuit sans lune n’a pas permis d’observer l’état réel de la mer. Le skipper se fiant semble-t-il uniquement à la prévision de la veille.
1 LA PRISE EN COMPTE TARDIVE DE L’ETAT DE LA MER via une information donnée par le CROSS Corsen, alors qu’il est déjà dans le chenal, est le premier facteur contributif du premier accident.
2 DECISION DE FAIRE DEMI-TOUR TROP PRES DES ROCHES DES ÎLES DE LA CROIX :
Le skipper n’a pas l’habitude de fréquenter le port de l’Aber Wrac’h. La préparation du voyage en utilisant la documentation nautique n’a pas été effectuée. L’utilisation des alignements pour le chenalage aurait aidé le skipper dans sa navigation et le CHOIX D’UNE ZONE PLUS FAVORABLE AU DEMI-TOUR.
L’absence de préparation de la navigation dans un chenal dont il n’est pas familier, alors que l’obscurité et l’incertitude sur l’état de la mer rendent celle-ci plus délicate, est le second facteur contributif du premier accident. L’attribution des rôles n’a pas été effectuée. Le skipper ne s’est pas déchargé de tâches particulières ; il est resté à la barre pendant tout le chenalage. L’utilisation de la VHF pour prendre la météo auprès du CROSS Corsen a sans doute détourné son attention de la navigation pendant un court moment.
LES COMPETENCES PRESENTES A BORD N’ONT PAS ETE EXPLOITEES ; le skipper aurait pu confier la barre au matelot ou à un passager expérimenté pour se concentrer sur la navigation. Le traceur GPS est positionné dans le poste, sur la cloison murale de la table à carte. L’écran du GPS est de format 10x15 et est situé en contrebas du barreur à une distance d’environ 3 m. Dans ces conditions, un suivi suffisamment précis de la navigation n’est pas possible sans quitter la barre.
3 LA PRESENCE PERMANENTE DU SKIPPER A LA BARRE ET L’ABSENCE DE REPARTITION DES ROLES, alors que le navire est en eaux resserrées, est le troisième facteur contributif du premier accident. La combinaison de ces facteurs a conduit le skipper à une appréciation erronée de sa position et à effectuer un demi-tour trop près des roches des Îles de la Croix.
Après que LA BELLE ANGÈLE s’est échoué, le skipper a envoyé un MAYDAY, puis a demandé aux passagers de capeler leurs brassières. Le matelot s’occupe alors de larguer les radeaux arrière tandis que le skipper décide de se rendre sur l’avant pour y larguer le radeau de survie. Dans l’urgence, bien que les vagues déferlent sur le pont, il se dirige vers l’avant sans avoir capelé une brassière de sauvetage. 

L’absence de précautions prises par le skipper pour se rendre sur l’avant est un facteur contributif du deuxième accident.


Par ailleurs, la décision de METTRE LES RADEAUX EN ŒUVRE ALORS QUE LE NAVIRE EST ECHOUE et que la mer déferle violemment N’EST PAS PERTINENTE.


CONCLUSIONS du BEA mer


 Le lougre chasse-marée LA BELLE ANGÈLE a appareillé de l’Aber Wrac’h le 17 octobre tôt le matin par une nuit sans lune ne permettant pas d’observer l’état réel de la mer.

En l’absence de préparation de la navigation dans le chenal le skipper n’a pas pu anticiper le choix d’une zone appropriée pour effectuer un demi-tour dans de bonnes conditions.


 La non répartition des rôles et la présence permanente du skipper à la barre, combiné à une lecture difficile du GPS, a conduit à une appréciation erronée de la position.

Dans la précipitation, le skipper s’est rendu sur l’avant sans précautions particulières et a été emporté par une déferlante

Le navire est en perte totale et le skipper est décédé ; le matelot et les passagers ont été sauvés grâce à une intervention efficace des moyens de secours.





LE TEMOIGNAGE D'UN LOCAL

" Le bateau était en train de virer quand il a reçu une grosse vague déferlante, la barre franche a coincé le patron , la barre a cassé ( contre le pavois ? ) et le patron s'est retrouvé projeté à la mer.

 Le bateau désemparé, sans barre, s'est ensuite échoué sur les cailloux proches. 


S'ils avaient réussi ce demi tour, ils seraient au café du port à se dire on a bien fait de rentrer ça remue dehors." Témoignage de l'un de mes amis, pratique local


LE TELEGRAMME du 18 octobre 2017 :
" il semblerait, d'après le témoignage d'une des personnes secourues, que lors de la manœuvre effectuée pour faire demi-tour, la forte houle de 6 à 8 m a amené le bateau à talonner sur une roche. Alors que le skipper tenait fermement la barre, elle se serait cassée et l'aurait heurté, provoquant un déséquilibre complété par l'arrivée soudaine d'une masse d'eau qui l'aurait éjecté du pont."







"Gréée en trois mâts portant des voiles au tiers, La Belle Angèle est un Chasse-Marée construit en 1992. Elle est une réplique de l'Utile, lancé à Pont-Aven en 1877. La Belle Angèle est un navire de 14,50 m de long et 4,60 m de large. Elle demande un tirant d'eau de deux mètres et pèse 40 t pour 195 m² de voilure."WIKIPEDIA



LE TELEGRAMME
"La Belle Angèle, propriété de l'association du même nom, avait quitté Saint-Malo, ce dimanche, vers 2h, pour rejoindre Pont-Aven. L'équipage avait été salué une dernière fois par Bob Escoffier. 

Il a fait escale à l'Aber Wrac'h pour se protéger des fortes rafales de vent. Ce mardi matin, décision a été prise de poursuivre le trajet car le vent avait molli."





LES FAITS

mardi 17 Octobre : 
Pleine Mer 4h39 
hauteur d'eau : 7.15 m

Vers 5 h, la Belle Angèle quittait l'Aber Wrach en direction du  chenal du Four, ce qui est logique puisqu'ils étaient partis de St Malo dimanche dans la nuit  à 2 h et que le vent de sud-est était portant. 

Ce mardi 17 octobre  le vent étant faible, ils étaient surement au moteur pour profiter de la fenêtre météo favorable qui leur permettait de passer le Four et le Raz de Sein dans la journée.

Ils partaient tôt afin de bénéficier du courant favorable. Courant qui contre la houle devait accentuer la dangereusité des vagues.

LE TELEGRAMME :
"A 5 h 50, ce mardi, le Cross Corsen a intercepté un message de détresse concernant un navire en difficulté à l'Aber Wrac'h, dans le Nord-Finistère. Un navire qui a talonné, ce qui a apparemment occasionné d'importants dégâts.

Il a immédiatement engagé le canot tous temps SNSM de l'Aber Wrac'h et l'hélicoptère de la Sécurité civile Dragon 29.

A 6 h 30, le canot a confirmé l'échouement du vieux gréement La Belle Angèle sur l'île de La Croix. Mise à l'eau, l'annexe de ce canot s'est retournée lors de son intervention compte tenu des conditions de mer difficiles.

Deux membres de la SNSM sont tombés à l'eau et ont gagné l'île de La Croix par leurs propres moyens. Ils ont alors rejoint les six personnes -passagers et membres d'équipage du voilier- qui étaient en sécurité sur l'île.

 A 8 h, ces six personnes, en hypothermie, ont été évacuées par l'hélicoptère Dragon 29 vers le port de l'Aber Wrac'h et prises en charge par les pompiers pré-alertés par le Cross." 








LE SAUVETAGE :
Laurent Le Goff de la SNSM raconte l’opération de sauvetage.
« La Belle Angèle avait quitté le port de l’Aber Wrac’h vers 5 h du matin, ce mardi, pour regagner Concarneau. C’est pour cela qu’ils étaient partis à marée descendante. Quand ils sont arrivés au large de l’île de la Croix, ils ont demandé par VHF la météo au Cross Corsen. Là, l’opérateur leur a annoncé des vagues de six à huit mètres à l’extérieur.
Le commandant du vieux gréement décide alors de rentrer. Ils font demi-tour et c’est durant cette manœuvre, dans l’espace le plus étroit du chenal, qu’ils touchent.
 Les vagues poussent le navire au sommet des roches et il se retrouve immobilisé. Ils ne pouvaient plus rien faire. C’est à ce moment que le patron est jeté à la mer par une déferlante.
Nous, on nous appelle vers 6 h du matin. Nous embarquons sur notre canot tout temps, avec Louis Le Gall comme patron. Nous sommes sept bénévoles de la SNSM à bord, dont deux nageurs de surface. 
En arrivant à proximité des lieux, nous nous rendons compte qu’il faudra monter sur la Belle Angèle. On utilise notre canot pneumatique pour approcher du navire. C’est sportif ! Ce sont des vagues de deux à trois mètres qui nous reçoivent…
Une fois à bord du voilier, nous prenons en charge les six personnes embarquées. Mais elles nous disent qu’il y a un homme à la mer et qu’il s’agirait du patron du bateau. 
On donne le renseignement au Cross en indiquant qu’il faudra un second hélico : il va vraiment y avoir du boulot. Il y a six personnes à évacuer, donc quatre rotations pour les descendre à terre.
Dragon 29 doit faire trois rotations pour les victimes et une dernière pour nous, sauveteurs de la SNSM. Puis l’hélicoptère Caïman de la Marine nationale arrive pour rechercher le marin disparu. Son corps sera retrouvé plus tard au large de la Petite Fourche, au Nord de l’île Guenioc. »