« Les débris humains commencent à apparaître aussitôt que l’on quitte la zone où il y a encore un chemin. J’ai vu des choses excessivement curieuses. Des têtes d’hommes presque momifiées émergeant de la boue. C’est tout petit dans cette mer de terre. On croirait des enfants. Les mains surtout sont extraordinaires. Il y a des mains dont j’aurais voulu prendre la photo exacte. C’est ce qu’il y a de plus expressif. Plusieurs ont les doigts dans la bouche, les doigts sont coupés par les dents. J’avais déjà vu cela le 13 juillet en Argonne, un type qui souffre trop se bouffe les mains. Pendant près d’une heure avec des attentions de chaque minute pour ne pas me noyer (car tu n’ignores pas que de nombreux blessés meurent noyés dans les trous des 380 qui ont 3 mètres de profondeur et pleins d’eau). Il faut savoir ces choses-là. »
Lettre de Fernand Léger, brancardier durant la Première guerre mondiale.